Les infections à streptocoques (Streptococcus pneumoniae) sont un problème de santé publique majeur dans le monde. En 2015, on a estimé à 15 millions le nombre de personnes ayant contracté une infection invasive à S. pneumoniae avec environ 1,5 million de décès attribuables à la bactérie (1). En France, les pneumocoques occasionnent environ 6 000 cas d'infections invasives (IIP) et 130 000 cas de pneumopathies chaque année. La létalité est estimée entre 10 % et 30 % au cours des pneumonies graves (2). Les personnes les plus touchées sont les enfants en bas âge et les adultes âgés de plus de 65 ans, ainsi que les malades atteints de comorbidités et d'immunodépression (3). Des vaccins sont disponibles pour protéger les sujets vulnérables. Si la couverture vaccinale est très satisfaisante chez les enfants, elle est très insuffisante chez les adultes à risque.
Les infections à pneumocoques sont dues à une bactérie appelée Streptococcus pneumoniae est une bactérie commensale du rhinopharynx de l’homme qui peut aussi se comporter comme un pathogène (1).
S. pneumoniae présentent généralement les caractéristiques suivantes (4,5) :
- Un aspect en cocci-Gram positifs classiquement associé par 2 bactéries (diplocoques)
- Dotées d'une capsule pneumococcique caractéristique : couche externe de polysaccharide gélatineux et visqueux
La capsule de polysaccharide joue un rôle particulièrement important dans la virulence de S. pneumoniae (6). En particulier, la capsule protège les cellules de S. pneumoniae contre l'ingestion par les phagocytes et contre la destruction par la voie du complément (4,7). Grâce à la capsule, les cellules de S. pneumoniae sont ainsi moins sensibles aux défenses immunologiques de l'hôte et peuvent proliférer et engendrer la maladie.
Pour bien comprendre le poids que représentent les infections à pneumocoque, il faut connaître la diversité qui existe au sein de l'espèce S. pneumoniae, en particulier d'un point de vue structurel.
L'espèce S. pneumoniae présente de nombreuses variantes en termes de composition chimique de la capsule de polysaccharide. Les souches de S. pneumoniae dont les capsules sont chimiquement distinctes sont considérées comme appartenant à différents sérotypes de S. pneumoniae (8).
On en distingue plus de 90 regroupés en 45 sérogroupes (classification danoise de Lund) (9). Les sérogroupes contiennent des sérotypes dont les capsules de polysaccharide ont des compositions chimiques voisines.
Deux types de vaccins sont actuellement utilisés dans la prévention des infections à S. pneumoniae (1) :
- Le vaccin polysaccharidique conjugué qui cible 13 sérotypes (VPC 13)
- Le vaccin polysaccharidique non conjugué qui cible 23 sérotypes (VPP 23).
Chaque sérogroupe pneumococcique est identifié par un chiffre. Les différents sérotypes qui le composent portent le même chiffre, accompagné d'un suffixe différent (une lettre) (8).
La composition chimique de la capsule polysaccharidique joue un rôle dans le potentiel pathogène d'un sérotype de S. pneumoniae donné (4).
En 2016, les 10 sérotypes les plus fréquents, tous âges confondus étaient par ordre décroissant : 3, 8, 24F, 22F, 12F, 9N, 23B, 19A, 15A et 10A (1).
- Chez les enfants de moins de 5 ans, 13% des infections invasives étaient dues à une souche de sérotype couvert par le PCV13, et 53% étaient dues à un sérotype non vaccinal (1)
- Chez les adultes de plus de 64 ans, 31% des infections invasives étaient dues à un sérotype couvert par le PCV13, et 67% étaient dues à un sérotype couvert par le PPV23 (1)
Le rôle de la capsule de polysaccharide pneumococcique dans la capacité à provoquer une maladie est expliqué en détail plus loin dans ce module.
La transmission interhumaine du S. pneumoniae se fait par les voies aériennes (8).
La bactérie va pénétrer par la voie nasale et coloniser les cellules épithéliales naso-pharyngées (10). A ce stade, la bactérie va suivre une des 2 voies suivantes :
- Coloniser de manière asymptomatique. Ceci est fréquent, on estime qu’elle concerne 20 à 40% des enfants et 5 à 10% des adultes (8,10)
- Se propager à l'occasion d'une infection virale ou en présence d'une brèche méningée et passer du statut de commensaux inoffensifs à celui de redoutables pathogènes en se multipliant et en disséminant par voie sanguine vers des organes normalement stériles (infections invasives à pneumocoques ou IIP) et ainsi provoquer une bactériémie voire une septicémie qui peut être rapidement létale (forme fulminante), ou gagner des organes à distance pour établir une otite, une mastoïdite, une arthrite, une endocardite, etc. Ils peuvent aussi entraîner des pneumonies graves et des méningites qui sont extrêmement fréquentes et qui sont souvent mortelles (10 % à 30 % des cas dans les formes graves) (1,10)
Les infections invasives à pneumocoques touchent toutes les classes d’âge, mais sont plus fréquentes aux âges extrêmes de la vie. Ainsi, les enfants âgés de moins de 2 ans et les adultes âgés de 65 ans et plus sont les plus à risque d’IIP(8). À ces âges, les IIP sont aussi plus graves et responsables fréquemment d’hospitalisation.
Incidence des hospitalisations pour PC entre 2005 et 2009 selon la tranche d’âgeLes infections à pneumocoques sont aussi plus fréquentes et plus graves chez les personnes qui ont une maladie chronique – ou comorbidité – et celles qui sont atteintes d’un déficit immunitaire général comme un cancer, une infection par le VIH ou un traitement immunosuppresseur. Le risque d’infection invasive à pneumocoques est ainsi multiplié par 4 par rapport à la population générale en présence d’une maladie chronique telle qu’un diabète, une pathologie pulmonaire, une pathologie cardiaque ou un alcoolisme et par 23 à 48 chez les patients immunodéprimés du fait d’un cancer ou d’une infection par le VIH/SIDA (2).
Pour en savoir plus sur les comorbidités, consultez notre contenus BPCO et pneumonie, diabète et pneumonie et IRC et pneumonie.
Comorbidités exposant à un risque accru d’infection à pneumocoques
d’après « Avis relatif aux recommandations vaccinales contre les infections à pneumocoque pour les adultes », HSCP – Mars 2017
- Atteints d’insuffisance cardiaque, d’une cardiopathie congénitale cynanogène
- Atteints d’insuffisance respiratoire chronique, d’une BPCO, d’asthme sévère sous traitement continu, d’emphysème
- Atteints d’hépatopathie chronique d’origine alcoolique ou non
- Atteints d’insuffisance rénale chronique
- Présentant un diabète non équilibré par le simple régime
- Présentant un déficit immunitaire :
- Aspléniques ou hypospléniques (incluant les drépanocytoses majeures)
- Atteints de déficits immunitaires héréditaires
- Infectés par le VIH, quel que soit le statut immunologique
- Sous chimiothérapie pour tumeur solide ou hémopathie maligne
- Transplantés ou en attente de transplantation d’organe solide
- Greffés de cellule souches hématopoiétiques
- Traités par immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie pour une maladie auto-immune ou inflammatoire chronique
- Atteints de syndrome néphrotique (14)
Risque de pneumonie à pneumocoque selon le nombre de comorbités sous-jacentes chez les ≥65 ans
*éthylisme chronique, asthme, maladies cardiaques chroniques, hépatopathie chronique, maladies respiratoires chroniques, utilisation chronique de stéroïdes oraux, diabètes, troubles neuromusculaires/convulsions, polyarthrite rhumatoïde/maladie de Crohn/lupus érythémateux, tabagisme, insuffisance rénale chronique, implant cochléaire, immunodéficience congénitale, maladies des globules blancs, asplénie fonctionnelle/anatomique, VIH et immunodépressions (traitement ou pathologie)
*IP : Infection à Pneumocoque
*IIP : Infection Invasive à Pneumocoque
Références
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